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Des lieux, des temps, nos sociétés
25 février 2012

La naissance des totalitarismes (4/17)

2. Des montées en puissance populaires et des prises de pouvoir programmées

A. Russie : une révolution spontanée suivie d’un coup d’Etat

 

* Début 1917, la Russie en guerre est exsangue :

- son territoire (coupé du marché européen car partiellement occupé à l’Ouest, souffrant d’une pénurie d’axes et de moyens de transports) et son économie archaïque (essentiellement paysanne et industrialisée depuis seulement 20-30 ans) n’ont pu fournir ni les armes ni le ravitaillement alimentaire nécessaires ;

- les pertes militaires sont énormes et des mutineries éclatent.

 

Le régime tsariste de Nicolas II Romanov, autocratique, répressif, vieux de 1000 ans… :

- est coupé du « pays réel », qui s'est rapidement transformé : abolition du servage, urbanisation rapide, début de la scolarisation, prospérité mal partagée ;

- n’a compris aucun des avertissements précédents : révoltes paysannes, attentats politiques, révolution de 1905 à St-Petersbourg et expérimentation des « soviets » (assemblées autonomes de soldats, de marins, d’ouvriers et de paysans), demande de démocratisation par la Douma où siègent des « libéraux » et des « progressistes », multiplication des coopératives ou syndicats dès 1915, assassinat du conseiller de l’impératrice Raspoutine en décembre 1916…

 

* Une révolution éclate en Février 1917 (23-27 février 1917 dans le calendrier russe, 8-12 mars chez nous)

- Elle commence par des grèves spontanées dans les usines de la capitale Petrograd. Une manifestation des femmes demandant du pain accélère le mouvement, qui exige la fin de la guerre et de l’autocratie. Après 3 jours d’affrontements meurtriers, la garnison de la ville se joint aux insurgés et le 2 mars, et le tsar abdique.

- Deux types de pouvoir nouveaux se développent alors : des assemblées locales (les « soviets »), et un gouvernement provisoire. Celui-ci proclame les libertés politiques, abolit la peine de mort, et affirme le principe du suffrage universel. Sa composition est d’abord « plurielle » quand il est dirigé par le prince L’vov (mars-juin), puis pour ménager le soviet de Petrograd à majorité « bolchevik » (communiste), se constitue un nouveau gouvernement à majorité socialiste au sens large, avec à sa tête le « menchevik » (social-démocrate) Kerensky, avocat de 35 ans (juillet-octobre).

- Pour respecter les engagements de la Russie auprès des Alliés et par crainte que l’Allemagne n’exige d’importantes concessions territoriales, Kerensky hésite à demander l’armistice. Son pouvoir étant provisoire, il ne prend pas non plus de grandes décisions sur le plan économique avant les élections, mais celles-ci sont retardées par la guerre et l’absence des militaires !

- Cette contradiction intervient au moment où peuple et soldats sont de plus en plus sensibles au slogan bolchevik « du pain, du peuple et des terres », et craignent un retour en arrière, une « contre-révolution ».

 

La « Révolution d’Octobre » (24-25 octobre dans le calendrier russe, début novembre pour nous), qui sera plus un coup d'état communiste qu'un soulèvement populaire, était dès lors inévitable.

- Dès février, et plus encore après le retour d’exil de leurs chefs, les bolcheviks étaient en effet partisans d’un arrêt immédiat de la guerre et d’une politique radicale : tout le pouvoir aux soviets, confiscation des terres au profit des paysans et des usines par les ouvriers, la journée de 8h. C’est ce qu’avait exposé Lénine (Vladimir Ilitch Oulianov) dans ses « Thèses d’Avril ».

- Dans l’été 1917, sous leur influence grandissante et leur critique du « pouvoir bourgeois », les grèves s'étaient multipliées, les paysans s’emparant des grandes propriétés et les soldats désertant par milliers.

Dans la nuit du 24 au 25 octobre, les bolcheviks prennent le pouvoir après une opération minutieusement préparée par Léon Trotski.

- Lénine prend la tête du pays. Très vite sont signés des décrets en faveur de la distribution des terres aux paysans modestes, et la paix de Brest-Litovsk est signée le 3.3.1918 avec de grosses pertes territoriales.

- En revanche, la démocratisation n’a pas lieu. Les bolcheviks stoppent au bout d’une journée les travaux d’une assemblée constituante élue dont ils n’occupent qu’ 1/4 de l’effectif.

 

* Au départ, cette révolution bolchévique n’est vue par les pays européens que comme une péripétie politique de courte durée, ou comme une nécessaire rénovation politique, comparable à celle de 1789. Le contenu idéologique n'est compris qu'après la fin de la 1ère Guerre Mondiale, quand elle contribue à relancer l’agitation ouvrière et paysanne partout sur le continent.

* En Europe la démocratie est fragilisée. Elle paraît incapable de garantir l’ordre, impuissante face à la crise, à l’inflation, à la misère. Elle est suffisamment peu enracinée pour que les classes moyennes, la petite bourgeoisie, mais aussi les milieux d’affaires et les propriétaires terriens commencent à être attirées par des mouvements extrémistes, populistes, aux discours durs et aux actions parfois violentes. Cette tendance est d’autant plus forte que les espoirs placés dans le socialisme s’éloignent avec la scission et la rupture entre « réformistes » et communistes.

 

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