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Des lieux, des temps, nos sociétés
29 septembre 2012

Un changement de civilisation (9/20)

B. Deux « économies-mondes » en expansion, anglaise et coloniale puis américaine et « impériale »

 

* Bien avant l'ère industrielle et les transports modernes, des espaces innovants sur plan scientifique, financier ou commercial ont développé et organisé autour d'eux une « économie-monde », étendue sur un morceau de planète significatif et « piloté » par une « ville-monde » : la Méditerranée autour de Rome au IIème siècle, une Europe large autour de  Gênes & Venise au XIIème, Anvers au XVIème ou Amsterdam au XVIIème. Les échanges qui les caractérisaient étaient déjà assez intenses, traversant régions et Etats, distincts à la fois des maigres flux lointains de produits rares et précieux (soie, épices... en essor à partir du XIIème) et du grouillement des cellules économiques locales.

* Jusqu'en 1500, plusieurs économies-mondes se juxtaposent : Europe, monde indien, monde chinois. Au XVIème siècle, l'économie-monde européenne intègre les Amériques, sans empêcher les autres d'exister de manière autonome.

 

Lentement à partir de 1820-30 et clairement après 1880 (l'époque dite « victorienne »), pour la première fois une économie-monde étend son emprise sur tous les continents en incluant les colonies européennes d'Afrique, d'Asie du Sud et d'Océanie. Son « moteur » est britannique, et son cœur est Londres. Les flux migratoires, commerciaux et financiers s'intensifient comme jamais auparavant, et l'Europe « pèse » 42% du « PIB mondial ».

1850-2011 - Londres Royalexchange1900 - 4

La City et la Bourse de Londres en 1900

* Très progressivement, d'autres Etats rattrapent leur retard. L'Allemagne sera stoppée dans son élan par la Première Guerre Mondiale, tandis que les Etats-Unis trouvent dans cet événement l'occasion de surclasser définitivement le Royaume-Uni. Le PIB des USA était déjà le premier au monde depuis 1890, leur revenu par habitant excédant celui des Anglais dès 1905. Après 1918, le centre de l'économie-monde s'est donc déplacé aux USA et à New York en particulier, avec un espace d'influence encore plus vaste puisque seuls les pays un temps communistes y échappent, pendant que le Japon s'y intègre. La domination américaine est flagrante en 1945, les USA détenant 2/3 du stock d’or mondial en 1945 et réalisant alors la moitié de la production industrielle mondiale.

 

* Ces élargissements de l'économie-monde « euro-américaine » :

- sont évidemment liés à des nouvelles possibilités de déplacement des hommes, des objets (cheval et bateau, train et route, avion...) et des informations (pigeon voyageur et postes, télégraphe, téléphone, liaisons par satellite, fax). Après l'avènement du bateau à vapeur, le percement des canaux inter-océaniques de Suez en 1869 et de Panama en 1914 a respectivement servi l'expansion britannique puis américaine + contrôle de ces passages-clés (avec des ports situés sur les principaux flux maritimes (Alexandrie à proximité du Canal de Suez, Le Cap en Afrique, Bombay en Inde…).

1850-2011 - canal Panama travaux 1907

Les travaux de percement du canal de Panama en 1907 (sa construction s'échelonne de 1880 à 1914)

- ont été favorisés par l'abaissement des barrières douanières et la promotion du « libre-échange » (qui favorise alors le plus industrialisé, le plus productif), ce qui permettait aux Etats dominants de trouver de nouveaux débouchés, d'éviter la surproduction, d'accéder à des matières premières moins chères (coton et thé, puis pétrole) voire à du travail moins cher pour poursuivre la croissance. Initiée par le Royaume-Uni puis imitée, en recul après 1929, cette attitude s'est approfondie depuis 1947 avec les négociations du GATT puis la création de l'OMC en 1994.

ont pris appui sur de nouvelles vagues de produits industriels, le centre profitant d'une avance sur ces produits. En 1860, la Grande-Bretagne produit 53% du fer mondial, réalise 25% des exportations globales pour 2% de la population terrestre.

- ont été accompagnés par la diffusion de l'usage de la monnaie du « centre » (la livre-sterling puis le dollar), convertible en or, pour régler les transactions internationales. Parallèlement, Londres puis New York se succèdent comme premières places financières mondiales (La City puis le quartier de Wall Street).

- ont été encouragés par la multiplication des IDE (investissements directs à l'étranger) émis par les puissances dominantes dans le reste du monde.

 

L'Angleterre et les USA n'ont cependant pas systématiquement utilisé les mêmes outils pour affirmer et accroître leur puissance et étendre « leur » économie-monde :

- L'Angleterre s'est servie de la colonisation pour trouver des débouchés « captifs » à sa production. A son apogée vers 1920, elle domine un « empire sur lequel le soleil ne se couche jamais » : 1/3 des terres émergées, 1/4 de la population du monde (400 Mhab). Sa marine marchande contrôlait alors 60% du trafic mondial.

100DollarGoldCertificateLe dollar indique dès les années 1860 sa convertibilité en or. C'est un moyen d'unifier les monnaies qui circulent par centaines dans le pays, mais ce fut un atout considérable pour l'avenir, en donnant confiance à l'échelle planétaire dans cette monnaie, devenue dès 1944 la monnaie des échanges internationaux.

- Les Etats-Unis ont étendu leur influence différemment. La croissance continue de leur marché intérieur par l'immigration, ainsi que l'espace et les ressources disponibles agricoles, minérales, énergétiques) pour alimenter leur croissance, ont été un atout considérable. Puis ils ont garanti leur accès aux marchés extérieurs et au pétrole en scellant des alliances ou des accords librement consentis, en profitant de la décolonisation (qui affaiblit les ex-puissances européennes) et en tirant parti de leur rôle de « leader du monde libre » durant la Guerre Froide. Le versement du Plan Marshall à l'Europe l'a réinsérée dans les échanges et rendue dépendante des USA avant qu'elle ne redresse sa propre économie.

- Les Etats-Unis ont su combiner le « hard power » (consistant à exprimer sa puissance navale, aérienne, nucléaire et un rapport de forces économiques) et le « soft power » ou « puissance douce », une séduction par la culture, la science et le mode de vie américain. Dès les années 1960 en France et dans le monde ce dernier s’est imposé comme modèle. Les firmes multinationales de l'agro-alimentaire et de la culture ont modifié les habitudes, relayées par la télévision et le cinéma. « Seuls » la langue anglaise et les sports d'origine britannique avaient eu cet impact du temps de la domination de la Grande-Bretagne.

1850-2011 - American way of life

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