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Des lieux, des temps, nos sociétés

30 septembre 2012

Un changement de civilisation (12/20)

* Il s'accompagne inévitablement de lourdes transformations urbaines :

d’abord d'une expansion des faubourgs et d'une densification anarchiques : les usages du sol sont indifférenciés (habitat, industrie et commerce cohabitent, pour des raisons de déplacement), les logements sur-occupés, on vit dans les caves, dans des conditions sanitaires déplorables, insalubres (eau croupie, fumées, caves humides. On parle de « cloaques urbains ») au point qu'au 19ème siècle, émigrer vers la ville signifie pour les jeunes adultes perdre 6 à 9 ans d'espérance de vie (une surmortalité jusque 1920-30 et pour les bébés, une mortalité infantile 2,5 fois plus grande). L'absence d'éclairage, le retard dans le développement de la police, expliquent aussi la montée du crime.

- puis vient le temps des extensions planifiées dans les villes de toutes tailles (notamment à proximité des nouvelles gares ferroviaires), celui des corons ou des cités ouvrières dans les grands bassins industriels et miniers ;

- Les grandes villes vers 1860, puis toutes dès 1880, se transforment sous l'effet de considérations « hygiénistes » : parcs à l'anglaise, grandes percées (avenues à la Haussmann, boulevards remplaçant ou contournant les remparts), tout-à-l’égout et eau courante, puis éclairage public électrique, et apparition en périphérie de « cités-jardins » ;

- les nouveaux quartiers des grandes villes opèrent enfin une densification en hauteur : on généralise les 5-6 étages en Europe avant que n'apparaissent aux USA, avec l'ascenseur et le béton armé, les premiers gratte-ciel vite surpassés ;

1850-2011 - urbanisation premiers gratte-ciel NY 1936Les premières générations de gratte-ciel visibles à New York en 1936.

 

 

 

- à partir des années 1920 aux USA, 1960 en Europe ou en Australie, les villes consomment un espace colossal sous l'impulsion de la voiture, du caddie, du transpalette, du goût pour la maison individuelle, des grandes surfaces et du besoin de trouver des terrains moins chers. Cet espace est géré en grandes zones et son organisation de plus en plus laissée à la logique des promoteurs.

 

* Avec la croissance des villes s'accentue la différenciation sociale de leur espace.

- elle est un temps verticale dans les immeubles haussmanniens ;

- avec l'ascenseur, le train (1863 Londres omnibus) et surtout le métro (1900 Paris, NY 1904) puis la voiture en fin de période aux USA, elle devient horizontale, par quartiers, les classes sociales n'étant plus forcées de cohabiter : hôtels particuliers, immeubles, maisons de ville des années 1920-30, HBM de cette époque puis grands ensembles HLM des années 1955-1975...

 

C'est entre 1880 et 1930 qu'on observe les plus grosses différences de styles de vie, de valeurs (déchristianisation), de culture populaire entre les villes et les campagnes, même si le chemin de fer, la diversité des situations familiales, l'école obligatoire ou le service militaire tendent à les uniformiser.

 

Toutes ces transformations, les pays plus récemment industrialisés les ont connues brutalement, simultanément, depuis les années 1980-1990, provoquant des tensions colossales sur le marché du logement, les circulations, la gestion de l'eau et des déchets...

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30 septembre 2012

Un changement de civilisation (11/20)

3. Les transformations profondes et frictionnelles des sociétés 

 

A. Le glissement sectoriel et géographique spectaculaire des populations actives

 

La population active des pays évoqués, depuis toujours agricole à près de 80%, est rapidement transformée. Le salariat se répand, mais surtout :

- elle « glisse » d'abord massivement (jusqu'à 35-40%, 50% au Royaume-Uni) vers le secteur secondaire au moment de la révolution industrielle, en même temps que la part de ce secteur dans la richesse produite augmente...

- ...avant de s'orienter vers le secteur tertiaire quand les services se diversifient et que l'industrie se perfectionne puis se robotise.

- Ces deux mutations profitent aussi de la mécanisation progressive mais intense de l'agriculture, qui ne représentent plus que 2 à 4% de la population active actuelle des pays développés.

 

* Le passage à l'économie industrielle entraîne une explosion démographique des villes et amorce une véritable inversion dans la répartition des hommes entre campagnes et villes.

* Cela est dû conjointement :

- au remplacement d'ateliers dispersés dans les villages par une usine unique dans la ville voisine pour rentabiliser l'achat des machines (à vapeur notamment) ;

- à un début de mécanisation agricole qui « libère » un certain nombre de bras pour d'autres métiers, même si l'espoir d'ascension sociale explique aussi ces départs ;

- à la présence en ville d'une main-d'œuvre disponible plus grande, d'une clientèle plus large, de banques et d'autorités politiques dont on cherche le soutien, et d'un chemin de fer qui achemine ou expédie charbon, matières premières et produits finis ;

- au fait que les entrepreneurs sont pour la plupart issus d'une élite bourgeoise qui vit déjà en ville et souhaite contrôler au mieux l'activité qu'elle possède ;

- à la transition démographique amorcée par tous les pays concernés, qui renforce la population des villes et des campagnes par accroissement naturel, accentuant d'autant l'exode rural (mais aussi, pour 40M d'européens, le départ vers les pays neufs ou les colonies). Se poursuivant durant presque un siècle, cet exode se transforme au fil du temps en « vidange » rurale, accompagnée de déprise agricole.

 

Alors qu'avant la R.I. on compte seulement 15% de citadins en moyenne, on atteint 50% en 1850 au Royaume-Uni, en 1912 en Allemagne et vers 1930 en France. Cet essor urbain touche :

- des bassins miniers, d'où émergent subitement des agglomérations significatives (Essen, Le Creusot, St-Etienne) et spécifiquement industrielles, formant des « pays noirs ». La croissance urbaine y prend souvent une forme linéaire incluant plusieurs noyaux urbains, ce qu'on appelle des conurbations  ;

1850-2011 - Rhein-RuhrUne capture d'écran ViaMichelin permet de constater que plusieurs villes connues d'Allemagne ont leurs banlieues résidentielles, commerciales et surtout industrielles jointes. Ce phénomène est le fruit d'une croissance axée sur un bassin à la fois fluvial, commercial et minier.

 

- les villes moyennes et grandes, dès lors qu'elles ont une tradition artisanale et une position de carrefour ;

- les « capitales », qui fixent les meilleures liaisons et certaines industries stratégiques, grossissent vite : de 1850 à 1910, Berlin passe de 0,4 à 2Mhab, Paris de 1 à 3M, Londres de 2,7 à 7,3M (8,1M en 1930 qd NY passe devant), NY de 0,7 à 4,8M… Chicago bondit de 3000 hab. en 1833 à 3,3Mhab en 1930 !

- A partir des années 1960 et surtout 1980, la « métropolisation » concentre une part croissante des citadins dans les villes déjà les plus peuplées, les mieux équipées et les plus accessibles.

29 septembre 2012

Un changement de civilisation (10/20)

C. Après 1980, une mondialisation massive et multipolaire

 

Depuis 1980-1990, cette économie-monde « occidentalo-japonaise » s'est entièrement planétarisée, pour plusieurs raisons :

 

* Le besoin de développement des Suds, endettés et en pleine transition démographique après la décolonisation,  passe par des stratégies qui les poussent à s'ouvrir aux économies développées : 

- exportation de matières premières (hydrocarbures, minéraux : diamants & cuivre..., végétaux tropicaux : café,  cacao & bois) ;

- développement du tourisme ;

- développement de l'industrie par substitution aux importations puis, après avoir acquis du savoir-faire, spécialisation et exportation (pays-ateliers), et montée en gamme industrielle. C'est le choix de la Chine de Deng Xiaoping dès 1978.

* Les chocs pétroliers de 1973 et 1979, qui ont vu le prix du pétrole multiplié par 12, poussent les entreprises qui ne veulent pas augmenter leurs prix ni baisser leurs profits à rechercher un plus faible coût du travail. La robotisation le permet parfois, et les délocalisations industrielles vers certains pays du Sud commencent.

* Ce mouvement a été possible parce qu'Internet et le porte-conteneur ont permis d'abaisser les coûts de transport et de gérer une production fragmentée (division internationale du travail, spécialisation des territoires, flux intra-firmes)...

* mais n'a pris sa pleine dimension que parce que le libre-échange est devenu presque intégral...

* et parce que l'effondrement du bloc soviétique a effacé le seul obstacle à l'établissement d'une économie globalisée.

 

1850-2011 - mondialisation - porte-conteneur

 

 

 

Un bateau porte-conteneur Maersk, le plus grand du monde en 2010

 

 

 

 

 

 

 

* Il n'y a plus de centre clairement identifiable de cette économie globalisée.

- 3 aires de puissances élargies en demeurent les « masses principales » : Amérique du Nord, Europe occidentale et centrale, Asie Orientale ;

- des pôles secondaires, constituée des grandes pays émergents (acronyme BRICS pour Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) et des pétromonarchies du Moyen-Orient. Leur solidité se traduit par l'organisation récente ou future de grands événements internationaux : Expo Universelle de 2010 à Shanghaï après les JO de Beijing en 2008, coupes du monde de football de 2010 en Afrique du Sud et de 2022 au Qatar, JO d'hiver à Sotchi en 2014, JO d'été à Rio de Janeiro en 2016 après le mondial 2014 de football au Brésil.

- Le développement se répand petit à petit, la fracture Nord-Sud laissant la place à un « gradient ». L'intensification des échanges a abouti à une interdépendance des territoires, d'où la difficulté de trouver un cœur à cet espace mondial.

29 septembre 2012

Un changement de civilisation (9/20)

B. Deux « économies-mondes » en expansion, anglaise et coloniale puis américaine et « impériale »

 

* Bien avant l'ère industrielle et les transports modernes, des espaces innovants sur plan scientifique, financier ou commercial ont développé et organisé autour d'eux une « économie-monde », étendue sur un morceau de planète significatif et « piloté » par une « ville-monde » : la Méditerranée autour de Rome au IIème siècle, une Europe large autour de  Gênes & Venise au XIIème, Anvers au XVIème ou Amsterdam au XVIIème. Les échanges qui les caractérisaient étaient déjà assez intenses, traversant régions et Etats, distincts à la fois des maigres flux lointains de produits rares et précieux (soie, épices... en essor à partir du XIIème) et du grouillement des cellules économiques locales.

* Jusqu'en 1500, plusieurs économies-mondes se juxtaposent : Europe, monde indien, monde chinois. Au XVIème siècle, l'économie-monde européenne intègre les Amériques, sans empêcher les autres d'exister de manière autonome.

 

Lentement à partir de 1820-30 et clairement après 1880 (l'époque dite « victorienne »), pour la première fois une économie-monde étend son emprise sur tous les continents en incluant les colonies européennes d'Afrique, d'Asie du Sud et d'Océanie. Son « moteur » est britannique, et son cœur est Londres. Les flux migratoires, commerciaux et financiers s'intensifient comme jamais auparavant, et l'Europe « pèse » 42% du « PIB mondial ».

1850-2011 - Londres Royalexchange1900 - 4

La City et la Bourse de Londres en 1900

* Très progressivement, d'autres Etats rattrapent leur retard. L'Allemagne sera stoppée dans son élan par la Première Guerre Mondiale, tandis que les Etats-Unis trouvent dans cet événement l'occasion de surclasser définitivement le Royaume-Uni. Le PIB des USA était déjà le premier au monde depuis 1890, leur revenu par habitant excédant celui des Anglais dès 1905. Après 1918, le centre de l'économie-monde s'est donc déplacé aux USA et à New York en particulier, avec un espace d'influence encore plus vaste puisque seuls les pays un temps communistes y échappent, pendant que le Japon s'y intègre. La domination américaine est flagrante en 1945, les USA détenant 2/3 du stock d’or mondial en 1945 et réalisant alors la moitié de la production industrielle mondiale.

 

* Ces élargissements de l'économie-monde « euro-américaine » :

- sont évidemment liés à des nouvelles possibilités de déplacement des hommes, des objets (cheval et bateau, train et route, avion...) et des informations (pigeon voyageur et postes, télégraphe, téléphone, liaisons par satellite, fax). Après l'avènement du bateau à vapeur, le percement des canaux inter-océaniques de Suez en 1869 et de Panama en 1914 a respectivement servi l'expansion britannique puis américaine + contrôle de ces passages-clés (avec des ports situés sur les principaux flux maritimes (Alexandrie à proximité du Canal de Suez, Le Cap en Afrique, Bombay en Inde…).

1850-2011 - canal Panama travaux 1907

Les travaux de percement du canal de Panama en 1907 (sa construction s'échelonne de 1880 à 1914)

- ont été favorisés par l'abaissement des barrières douanières et la promotion du « libre-échange » (qui favorise alors le plus industrialisé, le plus productif), ce qui permettait aux Etats dominants de trouver de nouveaux débouchés, d'éviter la surproduction, d'accéder à des matières premières moins chères (coton et thé, puis pétrole) voire à du travail moins cher pour poursuivre la croissance. Initiée par le Royaume-Uni puis imitée, en recul après 1929, cette attitude s'est approfondie depuis 1947 avec les négociations du GATT puis la création de l'OMC en 1994.

ont pris appui sur de nouvelles vagues de produits industriels, le centre profitant d'une avance sur ces produits. En 1860, la Grande-Bretagne produit 53% du fer mondial, réalise 25% des exportations globales pour 2% de la population terrestre.

- ont été accompagnés par la diffusion de l'usage de la monnaie du « centre » (la livre-sterling puis le dollar), convertible en or, pour régler les transactions internationales. Parallèlement, Londres puis New York se succèdent comme premières places financières mondiales (La City puis le quartier de Wall Street).

- ont été encouragés par la multiplication des IDE (investissements directs à l'étranger) émis par les puissances dominantes dans le reste du monde.

 

L'Angleterre et les USA n'ont cependant pas systématiquement utilisé les mêmes outils pour affirmer et accroître leur puissance et étendre « leur » économie-monde :

- L'Angleterre s'est servie de la colonisation pour trouver des débouchés « captifs » à sa production. A son apogée vers 1920, elle domine un « empire sur lequel le soleil ne se couche jamais » : 1/3 des terres émergées, 1/4 de la population du monde (400 Mhab). Sa marine marchande contrôlait alors 60% du trafic mondial.

100DollarGoldCertificateLe dollar indique dès les années 1860 sa convertibilité en or. C'est un moyen d'unifier les monnaies qui circulent par centaines dans le pays, mais ce fut un atout considérable pour l'avenir, en donnant confiance à l'échelle planétaire dans cette monnaie, devenue dès 1944 la monnaie des échanges internationaux.

- Les Etats-Unis ont étendu leur influence différemment. La croissance continue de leur marché intérieur par l'immigration, ainsi que l'espace et les ressources disponibles agricoles, minérales, énergétiques) pour alimenter leur croissance, ont été un atout considérable. Puis ils ont garanti leur accès aux marchés extérieurs et au pétrole en scellant des alliances ou des accords librement consentis, en profitant de la décolonisation (qui affaiblit les ex-puissances européennes) et en tirant parti de leur rôle de « leader du monde libre » durant la Guerre Froide. Le versement du Plan Marshall à l'Europe l'a réinsérée dans les échanges et rendue dépendante des USA avant qu'elle ne redresse sa propre économie.

- Les Etats-Unis ont su combiner le « hard power » (consistant à exprimer sa puissance navale, aérienne, nucléaire et un rapport de forces économiques) et le « soft power » ou « puissance douce », une séduction par la culture, la science et le mode de vie américain. Dès les années 1960 en France et dans le monde ce dernier s’est imposé comme modèle. Les firmes multinationales de l'agro-alimentaire et de la culture ont modifié les habitudes, relayées par la télévision et le cinéma. « Seuls » la langue anglaise et les sports d'origine britannique avaient eu cet impact du temps de la domination de la Grande-Bretagne.

1850-2011 - American way of life

29 septembre 2012

Un changement de civilisation (8/20)

2. De la diffusion de la croissance à la mondialisation

 

A. Une propagation lente et limitée de la révolution industrielle

 

* De son berceau, l’Angleterre de 1780, la révolution industrielle s'est étendue vers Belgique-France-Suisse & USA vers 1810-20, en Allemagne vers 1840-50, 1870 en Europe centrale, et à partir de 1880-90 en Europe du Sud-Est, en Russie et au Japon.

 

* Cette « contagion » a été lente mais possible grâce :

- a) au fait que les paysans et les artisans, acteurs de la révolution agricole et des débuts de la révolution industrielle, étaient nombreux sur le territoire. Devant les améliorations apportées par le voisin, chacun s'est interrogé, formé, et les méthodes nouvelles ont ainsi pu être imitées de proche en proche.

- b) au caractère rudimentaire des premières techniques industrielles, accessibles à tous et ne nécessitant pas d'avoir une jeunesse instruite. Par ailleurs, des journaux, des revues et des associations de promotion des techniques ont pu faciliter une diffusion plus rapide dans les milieux plus éduqués ;

- c) à une relative abondance de ressources minérales et énergétiques près des foyers d'innovation successifs : Midlands, Nord-Pas-de-Calais et Wallonie, St-Etienne, Ruhr, Appalaches, Silésie. Les premiers espaces industriels sont ainsi les “pays noirs” situés sur les gisements de charbon ;

- d1) à la faiblesse (vitesse, capacité) et aux coûts élevés des moyens de transports dans un premier temps. Puisqu'il n'était pas possible de vendre ou d'acheter très loin, les besoins en produits nouveaux ont fait naître de nombreuses petites entreprises disséminées. Celles-ci ont pu se développer car les industries des régions pionnières n'ont pas pu inonder les espaces éloignés de leurs produits déjà plus sophistiqués ou fabriqués moins cher ;

- d2) à l'existence, jusqu'en 1860 environ, de fortes taxes douanières permettant de laisser chaque pays développer ses filières industrielles, en étant temporairement protégé de la concurrence de produits moins chers issus des  Etats industrialisés plus tôt et techniquement plus avancés ;

- e) lorsqu'il y avait localement des excès de population par rapport à l'emploi ou aux ressources, des migrations s'organisaient vers les pays croissant moins vite (France), et surtout les pays neufs (USA, Canada, Argentine, Océanie). Pour ces derniers, ce sont les migrants qui ont « amené la révolution industrielle dans leurs bagages » et stimulé la croissance par leur effet sur la hausse rapide de la population. 

 

Dans un second temps, pour que la croissance des pays industrialisés se prolonge et que la Révolution Industrielle se diffuse de manière généralisée dans leur territoire, les Etats ont :

- f) stimulé les progrès du transport. Les villes éloignées des gisements de charbon y ont été reliées par le chemin de fer, et les entreprises ont pu élargir leurs débouchés ou chercher loin des matières premières grâce à l'amélioration des routes, au train, au bateau à vapeur, aux canaux continentaux et inter-océaniques comme Suez ou Panama. Les entreprises ont parfois directement financé des infrastructures. Ces progrès de transport ont aussi provoqué un début de spécialisation des campagnes ;

- g) stimulé la croissance en passant commande de rails, de gares, de matériel militaire ;

- h) entrepris de rendre obligatoire la scolarisation des enfants dès les années 1870-1880, au moment où la 2ème Révolution Industrielle, plus complexe, nécessitait des ouvriers et des techniciens plus qualifiés, un encadrement plus étoffé et une administration plus efficace.

- i) ouvert de nouveaux débouchés par la colonisation, et en optant pour le « libre-échange », notamment entre entre 1860 et 1890.

 

* Colonisation, libre-échange et abaissement des coûts de transport ont, en revanche, eu tendance à anéantir l'industrie naissante mais fragile de certains pays d'Amérique latine ou de Chine, qui n'a pas résisté à la concurrence. Les espaces colonisés d'Afrique et d'Asie du Sud, déversoirs privilégiés des produits européens, n'ont même pas pu créer la leur. C'est le premier grand décalage planétaire de développement.

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29 septembre 2012

Un changement de civilisation (7/20)

* Dans la première moitié du XXème siècle les grandes entreprises augmentent fortement leur productivité en appliquant une « organisation scientifique du travail » (OST). Notamment inspirée par les réflexions de l'ingénieur Frederick Taylor – d'où le nom de « taylorisme » qui lui est aussi donnée – cette métamorphose du travail consiste :

- à le diviser en tâches parcellaires, simples et répétitives : c'est la naissance de l'OS, ouvrier spécialisé. La conception et les différentes phases de la réalisation du produit industriel sont définitivement séparées.

- à l'optimiser par le chronométrage et l'ajustement d'autres paramètres ;

AGE IND - taylorisme

 

- ces deux impératifs conduisent à éliminer les gestes et temps parasites grâce à la chaîne mobile de montage (dès 1913 chez Ford à Détroit). Mais ils aboutissent également à la perte de compétences de l'ouvrier, à son “abrutissement”, vite dénoncé dans les tracts syndicaux des années 1920-1960 et le film “Les Temps Modernes” (1936) de Charlie Chaplin.

 

* Le « fordisme » approfondit ces réflexions en y ajoutant :

- la standardisation des pièces, surtout des petits éléments de montage, afin d'en faire baisser les coûts ;

- le paiement d'un salaire supérieur à la moyenne, pour encourager l'employé à rester dans l'entreprise (d'où des économies de formation) et à acheter la voiture Ford (pour accroître la fierté de travailler à la fabriquer et en répandre le désir chez d'autres ouvriers).

1850-2011 - fordisme 3

Henry Ford devant un de ses modèles. Aspect moins connu de sa personne, Ford a été un des grands financeurs des "nazis" américains avant que ce parti ne soit interdit !

 

* Les petits ateliers ne peuvent plus vraiment rivaliser dès lors que ces mutations s'engagent.

 

* Après avoir stimulé l'amélioration des transports pour élargir les marchés, révolutionné les modes de financement et l'organisation des entreprises, le capitalisme accouche de nouvelles pratiques commerciales, dès la fin du XIXème siècle et tout au long du XXème. L'objectif est de susciter des besoins, de baisser les prix et de faciliter la consommation pour poursuivre l'ère de la croissance :

- les « grands magasins » urbains apparaissent en 1851 (Bon Marché) et se développent vers 1880 (Samaritaine, Galeries Lafayette, Printemps). Ils sont les premiers à offrir au même endroit une multitude de produits pour donner envie d'acheter, et les premiers à pratiquer des « prix fixés ». Apparus en 1880 aux USA, des magasins à prix bas se multiplient après la crise de 1929 pour une clientèle populaire : Lafayette créé Monoprix en France et compte 56 magasins en 1939. Le premier supermarché libre service est crée en 1916 aux USA, puis viennent les hypermarchés et les grandes surfaces spécialisées dès 1963 en France.

1850-2011 - grands magasins - Printemps1850-2011 - publicité Aix1850-2011 - publicité Mucha LU 1897

Le magasin du Printemps à Paris au début du XXème siècle.

L'affiche incitant à venir "prendre les eaux" à Aix-les-Bains par la train P.L.M.

Une superbe affiche pour les biscuits LU, signée d'un maître de l'Art Nouveau, Alfons Mucha.

 

 - la « réclame », qui devient la publicité, peuple peu à peu les affiches (conçues par des artistes comme Mucha, Hugo d’Alesi), les murs peints, la presse à grand tirage, investit les grands événements sportifs en « feuilletons » comme le Tour de France cycliste dès 1903, puis la puis radio, les cinémas dans les années 1930. Elle devient plus tard le moyen privilégié de financement de la télévision puis du web, où elle est de plus en plus profilée pour coller aux attentes du consommateur.

- la vente à distance a très tôt permis de toucher les personnes géographiquement isolées avant de faire sa révolution sur Internet, menaçant cependant la distribution classique.

- Le crédit s'est élargi aux individus. Immobilier ou à la consommation courante, il a été décisif pour élargir la « société de consommation » aux classes moyennes, mais sa généralisation est aussi source de surendettement pour les ménages.

- Le marketing sensoriel et le neuromarketing sont les dernières pistes explorées.

 

 

29 septembre 2012

Un changement de civilisation (6/20)

D. Les forces du capitalisme entrepreneurial et les mutations « productivistes » du travail

 

* Au tout début de la 1ère R.I., les progrès réalisés ne nécessitent généralement ni savoir-faire scientifique ni de gros moyens financiers. La plupart des premiers industriels sont des paysans ou artisans souvent illettrés qui mettent au point, copient ou améliorent des machines dont ils ont directement besoin pour leur activité de départ, l'agriculture, le textile, le travail du métal.

 

Passée cette phase de démarrage, certaines entreprises vont grossir pour répondre à une demande croissante, mais aussi pour acheter et rentabiliser des machines de plus en plus complexes et coûteuses, ainsi que pour innover, ce qui nécessite d'embaucher ingénieurs et techniciens.

* Pour trouver le capital nécessaire au développement d'une activité, deux nouveaux outils vont s'ajouter aux deux stratégies existantes, et modifier la manière de diriger les entreprises jusqu'à nos jours : 

- 1. A l’origine, bourgeois ou anciens aristocrates prélevaient dans leur capitaux personnels, « patrimoniaux », quitte à user de la stratégie du mariage pour y accéder : des fils d'entrepreneurs épousent ainsi des filles de grands propriétaires ;

- 2. L'autofinancement par réinjection des profits était une autre piste, très utilisée dans les milieux protestants ou puritains… Mais sans gros profits, pas d'agrandissement rapide possible, il y a risque de « retard » par rapport à la concurrence puis de disparition !

- 3. Cette situation a stimulé l'apparition de grandes banques, collectant l’épargne des particuliers et délivrant des prêts aux entreprises, comme le Crédit Lyonnais et la Société Générale en 1863 et 1864. La présence d'une tradition marchande et l'accumulation préalable de richesses « prêtables » ont d'ailleurs favorisé l'axe rhénan et la plaine du Pô ;

1850-2011 - banques1850-2011 - actions

Une agence de la société générale en 1871 à Colombes (région parisienne).

Un certificat d'action. Il indique la valeur initiale de l'action, mais celle-ci change immédiatement après l'émission, et la part de propriété se calcule par rapport au capital total indiqué sur le certificat. Le titre est évidemment "au porteur" puisqu'il peut être rapidement et fréquemment revendu.

 

- 4. Dans de nombreux cas, il faut en appeler à de l'argent extérieur en échange d'une part de propriété de l'entreprise, découpée pour l'occasion en multiples actions cotées dans des « bourses des valeurs ». Ces titres pouvant changer de main à tout moment, les entreprises concernées deviennent des « sociétés anonymes », dont les actionnaires espèrent des dividendes annuels et une plus-value à la revente. Ils choisissent aussi les dirigeants, la stratégie et accentuent l'exigence de rentabilité. Les banques elles-mêmes se comportent parfois comme des investisseurs qui placent l’argent dans des entreprises (ex : 1880, la Deutsche Bank investit dans les chemins fer américains et ottomans).

 

Le temps des grandes entreprises (konzern en Allemagne, trust aux USA) s'ouvre donc à la fin du XIXème siècle. Leur développement peut se faire :

- par leur expansion propre, en créant des usines, filiales et succursales à l’étranger ;

- par concentration horizontale, l'achat de concurrents plus petits mais implantés et au savoir-faire utile :

- par concentration verticale, en optimisant leurs prix et en s'assurant des débouchés par l'achat d'entreprises situées en amont (matières premières) ou en aval (transport, autre industrie, distribution) de leur activité d'origine, ce qui les amène à maîtriser tout une filière ;

- et par la diversification de leur produits.

 

 

* Leur organisation interne s'en trouve complexifiée, et nécessite du personnel d'encadrement.

* L'accroissement en taille des entreprises va de pair avec la réduction de leur nombre, qui les pousse parfois à des positions de quasi-monopoles que les lois vont progressivement interdire, ou à des ententes illégales sur leur prix (cartels) pour stopper la concurrence et augmenter leurs profits au détriment des consommateurs. Ce risque est apparu dès les années 1920, mais il s'est amplifié avec la multiplication des fusions-acquisitions depuis les années 1980-90, et la création d'entreprises plus riches que certains Etats de taille moyenne.

 

 

29 septembre 2012

Un changement de civilisation (5/20)

* Toujours après la Seconde Guerre Mondiale, de manière plus discrète d'abord puis plus vivement à partir des années 1970, une 3ème Révolution Industrielle s'enclenche, basée sur une curiosité et une maîtrise croissante de l'« infiniment petit » et de la « longue distance » :

- La révolution numérique en est la principale composante : l'informatique, balbutiante en 1946 (avec le premier ordinateur ENIAC), puis stimulée aux USA par la conquête spatiale dans les années 1960, franchit un premier cap avec l'invention du micro-processeur (1971) et du micro-ordinateur (1975). Celui-ci investit les entreprises entre 1985 et 1995 puis les familles, notamment à partir de 1994, lorsque la « convergence numérique », le « multimédia » et l'accès du grand public à Internet en multiplient les usages. Toutes les formes de communication (texte, son enregistré, appel voix en direct, photo, vidéo, infographie animée, argent) deviennent des données codables, stockables, associables et transmissibles de plus en plus instantanément et massivement. L'essor des télécommunications, entamé aussi via l'espace et les satellites civils (1967), se poursuit avec la généralisation de la téléphonie mobile, qui se nourrit également de cette révolution numérique, et comme elle, fait apparaître des besoins nouveaux en matières premières et en services, sources d'activité et d'emploi.

 

1850-2011 - révolution numérique - Electronical Numerical Integrator And Computer1850-2011 - révolution numérique - binaire

L'ENIAC, premier ordinateur mis au point en 1943-46, avec 18000 lampes, et un besoin d'espace de 1500 mètres carrés. Les combinaisons de lampes allumées et éteintes produisent un résultat interprétable. Tous les ordinateurs l'utilisent encore, c'est le langage binaire, fait de 1 et de 0, associés par blocs de huit chiffres appelés... octets. Ca vous dit quelque chose?

 

1850-2011 - révolution numérique - Apple II

 

L'Apple II (1977-1989 dans différentes versions) est un pionnier de la micro-informatique, mais on est encore loin de la "convergence numérique" 

 

 

 

- Les biotechnologies sont un domaine du savoir en rapide progrès depuis la découverte de l'ADN en 1953 et surtout depuis 1990. Potentiellement, elles nous ouvrent des horizons positifs : soigner des maladies génétiques, donner aux plantes cultivées des protections évitant le recours aux pesticides ou des qualités productives permettant de relever le défi alimentaire. Mais on redoute que les OGM perturbent l'ensemble du règne vivant par dissémination des gènes modifiés, et les questions éthiques sur l'homme modifié.

1850-2011 - biotechnologies - PGM 

Schéma expliquant la création d'une plante transgénique.

 

- Les nanotechnologies, qui donnent leurs premiers résultats depuis 2005 environ, soulèvent des espoirs et des craintes du même type mais aboutissent déjà à la création de nouveaux produits. Les nanomatériaux peuvent permettre des économies de matières premières rares, d'énergie, de produits chimiques, mais leur structure est si fine qu'ils peuvent pénétrer les pores de la peau ou être respirés et ingérés à notre insu.

1850-2011 - nanotechnologies - échelle1850-2011 - nanotechnologies - nanomatériau structure

 

L'échelle des nanomatériaux et la structure de taille "moléculaire" à laquelle on peut parvenir.

 

- L'atome est à la fois la 3ème industrie née sur l'infiniment petit, et l'énergie spécifique de la 3ème Révolution Industrielle, même si elle ne s'est pas généralisée. Elle a fait naître un mythe de l'énergie illimitée et une industrie prospère, mais ses dangers en cas d'accident dans les centrales, l'insoluble problème des déchets nucléaires et la rareté de l'uranium pourraient y mettre un terme. Le relais commence à être pris par les énergies renouvelables, dont les filières industrielles démarrent plus nettement depuis 2006.

* La croissance s'est aussi nourrie de la mise en relation et d'une concurrence élargies des espaces grâce à l'amélioration du train (TGV), de l'automobile (autoroutes), de l'avion, des tubes et des câbles nés plus tôt...

10 septembre 2012

Un changement de civilisation (4/20)

C. Des cycles de croissance stimulés par la nouveauté des savoirs, des « produits », des énergies et des mises en relation

* Si la croissance initiée au XIXème siècle a été de longue durée, c'est parce que plusieurs « cycles productifs » se sont succédés et partiellement chevauchés, s'appuyant chacun sur de nouveaux savoirs, de nouvelles énergies, et de nouveaux produits stimulant la demande – donc l'apparition de nouvelles activités industrielles.

 

Comme nous l'avons vu, la 1ère Révolution Industrielle démarre fin XVIIIème en Angleterre. Elle est basée sur :

- le charbon et la machine à vapeur ;

- le chemin de fer, mais aussi le percement de canaux et plus tard, le bateau à vapeur ;

- l'industrie textile et sidérurgique ainsi que l'extraction minière ;

- de petits ateliers et des usines de taille généralement modeste ;

- des progrès lents, comme l'incorporation en 1855 (procédé Bessemer) de la fonte dans l'élaboration d'un acier moins cher, plus léger et plus résistant pour les navires, les rails, les wagons et les armes. 

- les premières applications importantes de la chimie, surtout pour fabriquer des engrais et des colorants textiles.

 

* A partir de 1880 s’enclenche la 2ème Révolution Industrielle, plus « multiforme » et plus « scientifique » que la première. A son origine figure le souhait de réduire les volumes de ressources énergétiques à stocker, et de diffuser l'énergie plus finement, à des logements et des appareils de petite taille. Cela nécessite de séparer géographiquement production et consommation, donc de produire massivement puis de transporter l'énergie. Des découvertes décisives le permettent en pratique :

1850-2011 - Edison_bulb

- le papetier Aristide Bergès parvient à utiliser la force des chutes d'eau pour actionner de puissantes turbines (1869) : selon son expression, la « houille blanche » devient exploitable ;

- le belge Zénobe Gramme invente la dynamo à courant continu 1868-71 ;

- l'américain Thomas Edison met au point l'ampoule à incandescence en 1879.

* S'ouvre l’ère de l’électricité.

- Les premiers éclairages publics (ex : Bellegarde en 1884, La Roche-sur-Foron en 1885) puis réseaux électriques urbains apparaissent (entre 1910 et 1940 pour l'essentiel).

1850-2011 - téléphone 1876

- L'électricité est à l’origine d’une « grappe d’innovations » qui lui sont liées : production d’aluminium par électrolyse en 1886, débuts de l’électronique avec la télégraphie sans fil (TSF) de l’italien Marconi en 1895, téléphone de Bell (1877) qui sera d’abord présent dans les administrations, les grandes entreprises et les hôtels, débuts de l’électroménager...

 1850-2011 - conso USA produits 1900-2005

 

 

 

 

 

* Dans sa quête énergétique, la 2ème Révolution Industrielle ouvrira aussi l'ère du pétrole, exploité pour la première fois en 1859-60 par les USA et la Russie, promesse de meilleurs rendements et d’une plus grande « transportabilité » que le charbon.

* L'invention du moteur à explosion (vers 1876) débouche sur celle de la moto (1885) et de l'automobile (1886) par Gottlieb Daimler. En 1910, 2 millions de voitures sont produites dans le monde, la France puis les USA étant les premiers leaders historiques. Cette industrie décollera littéralement après 1945 et le poids de cette filière dans nos économies reste encore majeur aujourd'hui.

 1850-2011 - 1885 moto de Daimler et Maybach

* Sans incorporer immédiatement le pétrole, la chimie progresse aussi et trouve des applications nouvelles : pharmacie, pellicules photo & cinéma, agriculture.

 

 

 

 

L'approfondissement et l'accélération du progrès scientifique d'une part, et d'autre part la hausse conjuguée du pouvoir d'achat, du temps libre et de l'éducation vont « renouveler » la croissance au cours du XXème siècle.

* Dès les années 1920-30 et plus nettement encore après 1950, l'économie accentue sa spécialisation par la « révolution des services ». Commerce, enseignement, santé, sécurité, justice, médias, tourisme et loisirs captent à leur profit des populations agricoles et industrielles.

10 septembre 2012

Un changement de civilisation (3/20)

B. Une révolution agricole et démographique pour ouvrir l'ère industrielle !

 

* Du XVème au XVIIIème siècles, l'Europe progresse sur le plan scientifique et technique en empruntant aux civilisations voisines (papier et encre de Chine, algèbre arabe, pomme de terre américaine), en revisitant son brillant passé (architecture et sciences grecques et latines) et en y ajoutant ses propres découvertes fruits d'une curiosité nouvelles (Newton, Torricelli, Bacon, Boyle, Buffon, Linné, Lamarck etc.). Pourtant, cela ne peut expliquer seul l'accélération du développement qui a suivi.

* Pour que celle-ci ait lieu, il fallait à la fois :

- une population disponible pour de nouveaux métiers, c'est-à-dire nourrie sans avoir à travailler la terre, ce qui impliquait une hausse des rendements agricoles, lesquels fourniraient des excédents et un revenu suffisant pour que les paysans, ultra-majoritaires, consomment les nouveaux produits ;

- une énergie plus abondante que celle des hommes, des animaux, du vent et de l'eau pour fournir les nouveaux produits à bas coûts, et des transports d'un nouveau type pour compenser les manques locaux de matières premières (ou de ressources agricoles, dans les villes).

 

* En 1730-40 en Angleterre, en 1750-60 en France, commence une « révolution agricole » (RA) qui se répandra en Europe par la suite. Grâce à une série de changements dans les techniques et les plantes cultivées (plantes fourragères et suppression de la jachère), les pays affectés font « sauter le verrou des famines » en un demi-siècle et enclenchent la « transition démographique » : On mange plus, puis mieux, en réorientant l'espace vers un peu d'élevage qui donne de la viande. L'espérance de vie commence à s'élever, la mortalité à baisser (avant même les politiques de santé et d'hygiène) et la population à croître.

Le système de l'assolement triennal avec jachère, en place dans la moitié Nord de la France. Le sol donne peu de nourriture, donc les hommes la gardent pour eux, et élèvent peu de bêtes (qui auraient consommé 7 kcalories pour n'en fournir qu'une sous forme de lait ou de viande). Mais ils disposent alors de peu de fumure capable de redonner au sol les minéraux prélevés par les cultures. D'où le besoin de jachère, pour qu'un couvert végétal spontané et sans exigence rétablisse la qualité du sol. Inconvénient majeur : seuls 2/3 de la surface cultivable sont réellement destinés à l'alimentation. En remplaçant cette jachère par des plantes comme la luzerne, qui fixe l'azote de l'air au lieu d'épuiser le sol, le troisième tiers devient exploitable pour nourrir l'homme ou des animaux qui à leur tour augmenteront et diversifieront la nourriture des hommes, et fourniront un engrais naturel propre à faire augmenter les rendements de tout l'espace agricole.  

1850-2011 - révolution agricole - avant

1850-2011 - révolution agricole - luzerne

DEV DUR - 1850-2011 - transition démo

 

* La hausse de population et l'amélioration des rendements libère des bras pour des métiers non-agricoles, les excédents agricoles pouvant enrichir les paysans qui les vendent à ces "bras libérés". Ce cercle vertueux marche à condition que ces derniers trouvent une activité rémunératrice.

* Or, dans nos régions où il fait frais l'hiver, l'augmentation du nombre des hommes et des moyens financiers des agriculteurs provoque l'accroissement de la demande textile. Le lin étant difficile à travailler mécaniquement, tout comme la laine qui vient elle d'un cheptel impossible à augmenter rapidement, c'est l'essor du coton qui permet l'expansion d'une industrie textile balbutiante car ses fibres s'y prêtent bien.

* Parallèlement, la fin de la jachère entraîne l'augmentation des surfaces labourées et des travaux agricoles, donc une plus grande usure des parties en fer des outils agricoles (et des ferrures des chevaux), et le remplacement croissant du bois par le fer pour les autres parties soumises au risque de rupture. Plus il y a besoin de fer, plus on l'extrait en masse, moins il coûte cher : il remplacera donc bientôt la pierre, la terre cuite etc. La sidérurgie est née, et les développements ultérieurs du chemin de fer doperont encore la demande.

* L'essor de la sidérurgie faisant croître le besoin en énergie et le bois montrant vite ses limites (volume, risque de déboisement complet), vient alors le besoin de trouver un autre combustible et des innovations pour l'utiliser au mieux. Le perfectionnement de la machine à vapeur par James Watt (1769) vient à point nommé.

 

REVO IND - machine à vapeur Watt

 

* Enfin, les agriculteurs enrichis disposent de capitaux (bénéfices, ou terre plus chère s'ils la vendent) et d'un savoir-faire artisanal qui font d'eux les premiers entrepreneurs de la 1ère Révolution Industrielle, à la tête de machines et des micro-industries. Comme ils sont nombreux, le mouvement peut se répandre. Ainsi, avec un décalage de 60 ans pour les premiers, puis 30 ans (et de manière quasi-concomitante pour les Japon ou la Russie), la 1ère Révolution Industrielle suit la Révolution Agricole.

 

* L'agriculture elle-même ne cessera par la suite de « s'industrialiser », par l'utilisation de machines de plus en plus sophistiquées, de produits chimiques de plus en plus élaborés, et par la transformation croissante de sa production au sein d'industries agro-alimentaires. Ces mutations, étalées dans le temps jusqu'à nos jours, sont notamment venues des USA parce qu'ils  disposaient de peu d'hommes pour exploiter de grandes surfaces.

* Cette évolution explique à la fois une baisse des coûts alimentaires (utile pour laisser la pouvoir d'acheter les produits industriels) et un déclin régulier de la population agricole, qui ne représente plus que 2 à 4% des actifs dans les pays développés.

AGE IND - 1 - Batteuse agricole 1881

 

 

 

 

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