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Des lieux, des temps, nos sociétés
28 février 2012

La naissance des totalitarismes (11/17)

E. L’économie pilotée et réorientée par l’Etat

 

* Malgré les divergences de fond, la jeune URSS, l’Italie fasciste et l’Allemagne nazie ont en commun une intervention de l’Etat très poussée dans leur économie nationale

 

* C’est évidemment le cas de l’URSS, même si la théorie communiste y a été plusieurs fois révisée.

- Fin 1917, les terres sont partagées et les paysans restent indépendants, sauf dans les premiers kolkhozes (coopératives mettant en commun le matériel) et sovkhozes (fermes d’Etat où l’agriculteur est salarié, et qui doivent populariser les techniques agricoles modernes).

- De 1918 à 1921, le « communisme de guerre » (guerre civile) fait une première fois passer une large part de l’économie aux mains de l’Etat. Mais la production chute, la monnaie s'effondre tellement que le troc réapparaît, et l‘émigration des bourgeois provoque un manque de cadres. Des paysans assassinent les collecteurs et certaines villes ont perdu jusqu’à 60% de leur population !

- En 1921, Lénine décide donc une pause dans l'instauration du communisme. Il adopte la NEP, « nouvelle politique économique ». On reconstitue un maigre secteur privé dans l’industrie et le commerce pour les entreprises de moins de 21 salariés. Dans l’agriculture, on stoppe les réquisitions et les paysans sont autorisés à vendre leurs surplus., tout en les incitant à louer leurs terres en blocs pour agrandir les parcelles et se mécaniser. L’Etat électrifie le territoire, regroupe des sociétés aux activités identiques. En 1927, les productions ont retrouvé le niveau d’avant-guerre, mais les crédits et les techniciens manquent.

- En 1928, Staline juge la NEP incapable d’élever URSS au rang des très grandes nations, et lui reproche aussi d’avoir recréé une bourgeoisie – notamment dans les campagnes – qui peut menacer le projet communiste. Staline, qui envisage son pays comme une « forteresse assiégée » à laquelle il faut une « mobilisation totale » pour réussir, choisit donc pour mot d’ordre « industrialisation, planification, collectivisation ».

- Le PCUS établit les priorités, le Gosplan établit un plan quinquennal qui fixe des normes de production impératives après évaluation des besoins et des ressources. Toutes les entreprises privées sont nationalisées. L’investissement de l’Etat est orienté à 80% vers l'industrie lourde et celle des biens d'équipement. Des « combinats » associent des entreprises complémentaires (charbon, fonte et fer ; ou machines agricoles & automobile). la formation des ingénieurs, et le vivier est élargi grâce à la scolarisation obligatoire en 1930. Des villes nouvelles sortent de terre en Oural et en Sibérie. En 1937, l'industrie soviétique est la 3ème du monde.

- Cependant, l’industrie légère ou celle des biens de consommation (logements, textile, équipement ménager) sont beaucoup moins ciblées et n’atteignent pas leurs objectifs. Globalement, l’industrie souffre d’un manque de coordination : des millions de tonnes de marchandises stagnent sur les voies ferrées faute de transport, des manques de boulons provoquent l’arrêt des usines, on recherche plus la quantité que la qualité…

- La collectivisation de l’agriculture est conduite à marche forcée. On impose aux paysans d’intégrer kolkhozes et sovkhozes, on élimine les koulaks qui s’y opposent (3 à 4,5 M de morts) en confisquant leurs biens. L’objectif est économique mais aussi politique : mécaniser, dégager des surplus commercialisables pour financer l’industrie, faciliter le ravitaillement des villes, et surtout rapprocher la condition paysanne de celle de l’ouvrier. En 1928, seuls 2% des foyers agricoles travaillaient dans les exploitations collectives, ils sont 21,6% fin 1929 et 84,5% en septembre 1933. La désorganisation, le manque de motivation, d’outillage et d’engrais font de cette mesure un cuisant échec, qui conduit à une terrible famine en 1932-33, en Ukraine notamment. En réaction, le pouvoir autorise en 1935 la conservation d’un enclos individuel pour les fruits, les légumes, le bétail ; très souvent commercialisés, ces produits ne permettent toujours pas l’autosuffisance à la fin des années 1930.

* Le bilan est médiocre. La population soviétique de 1936 est inférieure à celle de 1913 ! Les inégalités subsistent même : le salaire d’un contremaitre est 4 fois celui d’un manœuvre, celui de l’ingénieur l’est 10 fois, celui du directeur d’usine l’est 20 fois ! Qui plus est, les logements sont rares, le mobilier des ménages misérable, et les conditions de vie du plus grand nombre stagnent. Seule une élite militante sort du lot.

 

* Même si l’Etat s’y insère beaucoup moins dans le capital des entreprises, l’Italie dès 1927 puis l’Allemagne dès l’arrivée des nazis, pratiquent aussi un fort interventionnisme.

- Le protectionnisme est fort sur les produits non-vitaux, les investisseurs étrangers doivent dépenser en Allemagne-même les recettes faites dans le pays, et la concentration industrielle est renforcée ;

- Elles mènent une politique d’autarcie. L’Allemagne utilise sa chimie pour fabriquer des produits de substitution aux importations, les « ersatz » : essence ou caoutchouc synthétiques, textiles artificiels. L’Italie recherche du gaz et du pétrole dans la vallée du Pô. Les 2 pays visent l’autosuffisance alimentaire, par des défrichements, des bonifications de terres, des assèchements de marais ; c’est le sens de la « bataille du blé » menée en Italie dès 1925, qui aboutit à une hausse des rendements de 50%. L’Allemagne lutte contre le morcellement agricole par la création de domaines inaliénables. On met en avant des produits « nationaux », comme la « Volkswagen », la voiture du peuple.

Ils pratiquent une politique de relance par des grands travaux d’infrastructures. L’Italie développe par exemple l’hydroélectricité, les travaux urbains, les autostrades, électrifie ses voies ferrées, les constructions navales ou l’industrie aéronautique.

- Cependant, les salaires sont tassés et ces pays ne développent pas de marché intérieur susceptible de prendre le relais. Ce qui explique dès 1936 leur fuite en avant dans la préparation de la guerre, avec un développement de l’armement à outrance.

 

En 1939, l’Allemagne est sur le papier la 2ème puissance industrielle mondiale, avec des progrès spectaculaires dans les domaines de l’énergie, de l’extraction, des biens d’équipement, et une percée commerciale en Europe danubienne. Le chômage diminue de moitié en 3 ans. Mais ce succès repose sur des artifices : 1M de jeunes sont extraits du chômage en entrant dans l’armée ou en devenant une main-d’œuvre gratuite dans le cadre d’un service du travail obligatoire, des primes sont versées aux femmes pour qu’elles retournent au foyer, la dette publique est énorme, et la guerre est la seule issue du modèle de développement retenu.

* En Italie, les classes populaires voient leur sort s’améliorer grâce au développement industriel et à une législation sociale, tandis que les bourgeois et patrons sont gagnants en matière de rapports sociaux au sein de l’entreprise.

 

* Pour s’assurer de leurs performances économiques, ces 3 Etats…

- veulent éviter les conflits sociaux. Les syndicats sont remplacés par des formations rassemblant patrons et ouvriers (Front populaire du Travail en Allemagne, corporations en Italie) et en général très liées au parti au pouvoir. Mussolini interdit la grève et la fête du 1er mai dès la première année, et en 1927 il établit une « Charte du Travail » qui lui permet de fixer les conventions collectives dans le sens de l’intérêt national. Sous Staline sont instaurées des amendes pour les ouvriers récalcitrants, et un livret du travail.

- pratiquent l’émulation. En URSS, on invente le « stakhanovisme », du nom d’un ouvrier qui aurait, selon un pur mythe, extrait 14 fois plus de charbon que ses collègues en une journée.

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